BARBECVAL SUJET 2
Feat Hope, Seth, Pebble, Thomas, Daisy & Aleister.

Assis sur sa chaise pliante, devant un clavier qui sembler sonner vrai, Seth n’en menait pas large. Il était sur la scène montée pour l’occasion, en plein milieu du St James Park, et des centaines paires d’yeux de Londoniens déguisés en tout et n’importe quoi le fixait avec attention. Le jeune homme était tétanisé, tous les muscles de son dos tendu, ses jambes légèrement tremblantes, il se forçait à ne pas regarder le publique. Pourquoi ? Pourquoi avait-il accepté de présenter un morceau lors de ce stupide barbecue-carnaval ? Seth, il parait que t’es doué, viens donc nous jouer un truc ! Ahah. S’il ne détestait autant cette expression, il aurait dit : lol. N’empêche qu’il s’était montré assez idiot pour se laisser convaincre. Pourtant, il savait très bien dans quel état il était lorsque son auditoire était supérieur à … une personne ! Hors examens, bien entendu. Etrangement, lors qu’il passait ses concours Seth était parfaitement serein, beaucoup plus que lorsque c’était une simple représentation sans enjeux. C’était étonnant, quand on connaissait Seth, de savoir la trouille bleue que lui faisait le fait de jouer devant quelqu’un, ami, famille, inconnu. C’était un jeune homme enjoué, sympathique, pas timide pour un sou, qui aimait être le centre de l’attention. On pourrait penser que le beau brun, aussi doué soit-il, ne ratait pas une occasion de pouvoir se mettre en avant en montrant l’étendue de son talent, mais il n’en était rien. Seth Williams était sujet à un trac monstre.

D’autant plus qu’aujourd’hui, il interprétait une de ses propres compositions. Il l’avait appelée Espoir. On se demandait pour qui d’ailleurs. Mais l’objectif du jour n’était pas de se sauver la face, en faisant taire ses détraqueurs comme Raphaël ou cet autre abruti de Stuart. S’il réussissait à faire une grande impression, sa petite affaire, les cours particuliers de piano qu’il donnait, se montrerait beaucoup plus lucrative. Seth n’aimait pas le crier sur tous les toits, mais pour l’instant son nombre d’élèves s’élevaient au doux nombre de … zéro. C’était pas comme ça qu’il allait boucler ses fins de mois ! Surtout qu’il vivait largement au-dessus de ses moyens en sortant un peu trop, buvant un peu trop, mangeant un peu trop avec son oncle Thomas qui se faisait bien plaisir tous les jeudis lors de leur brunch…

Enfin bref… Seth fit craquer ses doigts, se détendit les muscle du cou, fit le vide dans son esprit, et après une grande inspiration, il apposa ses mains sur le clavier. Ce n’était pas un beau son. Pas comme son Steinway à Paris. Mais pour ceux qui n’y connaissaient pas grand-chose, ça ne faisait pas de différence. Le jeune homme était à présent complétement absorbé par sa musique. Il la vivait. L’air était mélancolique, mais haletant, ses doigts virevoltaient sur les touches. Il n’entendait plus rien à part le son du simili-instrument. Et puis la fin. La musique se calma, et enfin, retentit la dernière note. Il y eut pendant deux secondes un silence de mort sur le parc, et Seth eut envie de s’enfuir en courant. Mais il se retint et il fit bien parce que les applaudissements arrivèrent bien vite. C’était presque une standing ovation qui fut faite pour le pianiste !

Seth Williams redevint lui-même. Il se leva d’un bond de sa chaise pliante, un grand sourire très fier aux lèvres, prenant bien soin de ne pas coincer son queue-de-pie (ouais, parce que se déguiser était obligatoire pour participer en plus, Seth avait choisi de faire le pingouin, ça devait être la chose qu’il détestait le plus au monde). Il se mit au bord de la scène et salua sobrement une fois, avant de prendre la poudre d’escampette le plus vite possible. Pourvu que Hope n’ait pas tilté pour le tiiiitre, implorait-il mentalement à … dieu ? Alors qu’il retournait à sa table où étaient assis des visages qui lui était cher.

« Hum, je ne suis pas trop foiré, yeah ! » s’exclama-t-il alors qu’il s’asseyait et prenait une saucisse grillée.

J'observais tout ce monde autour de moi. Je ne connaissais quasiment personne. Un ou deux visages connus, rien de plus. Et la table à laquelle je me trouvais m'était totalement étrangère. Par "la table" j'entends bien évidemment "les convives". Il y avait un jeune homme à l'air jovial, une très jolie fille brune, un quinquagénaire moustachu, une femme plus jeune qui semblait être en couple avec lui et une fille brune à l'air légèrement prétentieux...
A un moment, le jeune à l'air jovial se leva et grimpa sur la scène. Il paraissait très mal à l'aise et je le comprenais parfaitement. Qu'est ce qui m'avait pris de m'inscrire moi aussi à leur maudite représentation... Je tapotais l'étui de ma lyre. J'avais comme l'impression que ma composition allait fortement déplaire à l'auditoire.... D'ailleurs, le Nocturne me l'avait suffisamment répété: "Tes compositions sont à vomir, mon petit Diurne. Tu penses qu'un jour tu atteindras la gloire avec ces horreurs? Non, reconvertis toi dans la pop, c'est tout ce que ta médiocrité te laisse comme choix." Et encore... Il s'était montré plutôt gentil cette fois ci. C'est à dire qu'il ne m'avait pas traité de tous les noms...

Le jeune homme jouait du clavier, il était loin d'être mauvais, mais son clavier était d'assez mauvaise qualité. Et puis.... Rien ne rend aussi bien qu'un véritable piano. Ou mieux. Un orgue.
Le jeune homme allait vite, il jouait bien, il était transporté par sa musique. Quelqu'un d'assez talentueux. J'aurais bien aimé faire plus ample connaissance avec lui.
Une fois le morceau terminé, il eut la chance de recevoir un tonnerre d'applaudissement. Moi même je me suis levé pour saluer sa prestation.

Puis vint mon tour...

Tu vas te foirer! Minable! Espèce de pauvre enf....

J'avançais vers la scène, sans me soucier du Nocturne qui pestait dans ma tête. Je me sentais plus que ridicule. Vu que c'était une fête déguisée, j'avais du trouver un costume. Et je n'avais rien trouvé de mieux qu'une tenue de barde médiéval. Un barde.... En plus avec ma lyre j'allais parfaire le déguisement..... Je soupirais au moment de monter sur scène.
Je me suis installé sur la chaise, devant le micro, lyre en main. Je m'éclaircis la voix et dit dans le micro:

-Bonjour à tous. La quasi-totalité d'entre vous ne me connaisse pas. Je suis Aleister LaVey, musicien, chanteur, compositeur.... Je vais vous jouer ma dernière création qui s'appelle "Name Der Rose".

Deux-trois personnes applaudirent, les autres se contentèrent de me jeter un regard intrigué..... ou de revenir à leur merguez.
Je pris une profonde inspiration, et me lança.

La musique débutait doucement, de manière assez classique, avec une ambiance que je voulais mystérieuse, puis d'un seul coup le rythme changeait et se hachait, ressemblant presque à des battements de cœurs . Mes doigts couraient de plus en plus vite sur les cordes, les sons devenaient presque désagréables tant ils étaient rapprochés et déconstruits. Je voyais, dans le public, des gens qui s'apprêtaient à me jeter de la nourriture. Je souris, c'était exactement l'effet voulu. Le rythme changea brusquement, et devint fluide, limpide, comme de l'eau musicale. Alors je me mit à chanter. Les paroles racontaient l'histoire d'un enfant qui assassinait ses parents avant d'être capturé par une fée. Je m'étais inspiré d'un vieux conte que j'avais lu, il y a longtemps.

Lorsque je me suis arrêté, le public me fixait comme un OVNI. Le flop total était là, et j'entendais rire Aleister de la Nuit dans ma tête.

Je te l'avais dit.

Puis soudain, quelques personnes se mirent à applaudir, et le reste suivit. Je pense que la plupart n'applaudissait que par politesse. Mais certains étaient sincères, et c'est tout ce qui m'importait.
Je revint m'asseoir à ma table, et me servit immédiatement un verre de vin, pour me remettre...